tique désigne les habitudes, les dispositions ou conditions particulières qui font varier les perceptions : tels sont la veille ou le sommeil, les divers âges de la vie, le repos ou le mouvement, l’amour ou la haine. Le miel paraît amer à ceux qui ont la jaunisse. À ceux qui ont un épanchement de sang, une étoffe paraît couleur de sang, tandis que nous la jugeons toute différente. Il n’y a pas à objecter que ce sont des cas anormaux et de maladie, car comment savoir si, en pleine santé, nous ne sommes pas dans des conditions capables de modifier l’apparence des choses ? Ainsi encore l’amour nous fait voir la beauté là où elle n’est pas. On n’a pas les mêmes idées étant ivre ou à jeun. Entre toutes ces apparences comment se décider ? Toutes se valent.
5o Les situations, les distances et les lieux. — Un vaisseau, vu de loin, paraît petit et immobile ; vu de près, il paraît grand et en mouvement. Une tour carrée, vue de loin, paraît ronde. Voilà pour les distances.
Une rame paraît brisée dans l’eau, droite dehors. La lumière d’une lampe paraît obscure au soleil, brillante dans les ténèbres. Voilà pour les lieux.
Une peinture a du relief si on la regarde de loin ; elle paraît unie si on la voit de près. La gorge des colombes se nuance de mille couleurs différentes suivant qu’elles se tournent d’une façon ou d’une autre. Voilà pour les positions.
Mais comment connaître les choses, abstraction faite du lieu qu’elles occupent, de la distance où nous sommes, de la position qu’elles prennent ? Nous ne les connaissons donc pas.
6o Les mélanges. — Un objet ne nous apparaît jamais seul, mais toujours uni à quelque autre chose : à l’air, à la chaleur, à la lumière, au froid, au mouvement. Dans ce mélange, comment connaître l’objet en lui-même ? La couleur de notre visage paraît autre, quand il fait chaud, et quand il fait froid. Notre voix n’a pas le même son dans un air subtil et dans un air épais. La pourpre n’a pas la même couleur au soleil et à la