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Page:Victor Brochard - Les Sceptiques grecs.djvu/337

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MÉNODOTE ET SEXTUS EMPIRICUS.

sensément l’inanité des arguments invoqués par les dialecticiens à la précision utile des faits sur lesquels raisonnent les médecins. Néanmoins on dirait qu’il veut montrer aux dogmatistes qu’il est capable de retourner contre eux leurs armes favorites, et qu’il sait les manier avec dextérité ; il y met une sorte de coquetterie, et il n’est pas fâché de montrer aux dialecticiens de profession qu’il pourrait au besoin leur en remontrer. S’il commet parfois de pitoyables sophismes, ce n’est pas, on l’a vu, par ignorance ou par faiblesse d’esprit, mais de propos délibéré et par dilettantisme. Malgré toutes ses subtilités, son style, d’une sécheresse et d’une précision scolastiques, sans affectation ni recherche de fausse élégance, est presque toujours parfaitement clair : il ne vise pas à l’effet, et dit toujours exactement ce qu’il veut dire.

Historien érudit, dialecticien et médecin, Sextus Empiricus, en supposant même, ce qui n’est nullement prouvé, qu’il n’ait rien tiré de son propre fonds, garde encore une assez belle part. Ses livres, malgré leurs défauts, comptent parmi les plus précieux monuments que l’antiquité nous a laissés. Sextus a bien mérité de nous par les nombreux renseignements historiques qu’il nous a transmis. Il a surtout bien mérité de son école. C’est à lui qu’elle doit d’être la mieux connue de toute l’antiquité. Nous ne connaissons pas bien les sceptiques, mais, grâce à Sextus, nous pouvons connaître parfaitement le scepticisme.


À Sextus Empiricus succéda, dans la direction de l’école sceptique, Saturninus, contemporain de Diogène Laerce[1], dont nous ne savons qu’une chose, c’est qu’il fut, lui aussi, un médecin empirique.

En dehors des philosophes de profession, qui reçurent direc-

  1. On lit dans le texte de Diogène (IX, 116) : Σατυρνῖνος ὁ Κυθηνᾶς. Personne n’a pu encore expliquer ce surnom de Cythènas. Il nous semble évident qu’il faut lire ὁ καθ’ ἡμᾶς. Cette correction est indiquée par Nietzsche, Beiträge zur Quellenkunde und Kritik des Diog. Laert., p. 10, Basel, Schultze, 1870. Peut-être aussi pourrait-on lire : ὁ ἐκ Κυθηρᾶς.