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Page:Victor Brochard - Les Sceptiques grecs.djvu/380

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LIVRE IV. — CHAPITRE III.

des choses invisibles (φύσει ἄδηλα). Zénon ne paraît pas cependant avoir rien fait, pour l’induction, qui ressemble aux travaux d’un Bacon ou d’un Stuart Mill ; il ne s’éleva guère[1] au-dessus de l’induction per enumerationem simplicem.

Entre les épicuriens et les empiriques, il y avait pourtant des différences. Pour les épicuriens, l’anticipation[2] se fait toute seule, naturellement. Pour les empiriques, il faut répéter fréquemment la même observation : l’attention et la réflexion sont nécessaires. Mais surtout l’épicurien se flatte par ce moyen d’atteindre au delà des phénomènes les réalités ou les causes ; l’empirique, au contraire, borne la connaissance aux phénomènes et, plus hardi dans la négation que les sceptiques, déclare les causes incompréhensibles.

Il n’est pas possible qu’Épicure ait emprunté sa méthode aux empiriques, puisque son livre fut écrit vers la fin du IVe siècle et que l’école empirique ne fut ouverte que vers 280-250. On pourrait supposer que les empiriques ont fait des emprunts aux épicuriens, s’il n’était bien plus naturel de croire que les uns et les autres ont puisé à une source commune.

Nous voyons, en effet, qu’avant Glaucias, Nausiphanes[3], qui fut le maître d’Épicure, avait écrit un livre intitulé le Trépied. C’est vraisemblablement de ce livre que s’inspirèrent et Épicure et Glaucias.

Est-il possible de remonter encore plus haut ? Suivant une conjecture ingénieuse et plausible de Philippson[4], Aristote serait le maître dont se serait inspiré Nausiphanes. On trouve, en effet, chez le Stagyrite[5], la description des procédés employés plus tard par les épicuriens et les empiriques, et ils sont présentés en des termes presque identiques. Pour Aristote, comme pour les empiriques, la science commence par la sensation (αἴσθησις), continue par la mémoire (μνήμη πολλάκις τοῦ αὐτοῦ

  1. Philippson, 41.
  2. Cic., Nat. Deor., I, xvii, 65.
  3. Diog., X, 14.
  4. Op. cit., p. 51.
  5. Analyt. poster., in fine.