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LES ORIGINES DE L’ANCIEN SCEPTICISME.

que presque toutes, par des chemins différents, aboutissent au scepticisme : l’éléatisme, sans parler de Gorgias, par Eubulide, Diodore et les éristiques ; l’héraclitéisme, par Cratyle et Protagoras ; le cyrénaïsme, dès le temps d’Aristippe ; le cynisme, du vivant d’Antisthènes ; le platonisme lui-même, par la nouvelle Académie.

Historiquement, il y a un double lien de filiation directe entre Pyrrhon, et, d’une part, l’école de Mégare, d’autre part l’école de Démocrite. Né à Élis, Pyrrhon a certainement connu la dialectique de l’école d’Élis-Érétrie, qui continuait celle de Mégare. On compte parmi ses maîtres Bryson, qui fut peut-être disciple d’Euclide. Toutefois, si cette école a pu exercer quelque influence sur les origines du pyrrhonisme, nous ne croyons pas qu’il en dérive directement[1]. Sans parler des difficultés que présente la question de savoir quel a été ce Bryson[2], maître de Pyrrhon, on verra plus tard que Pyrrhon a été l’ennemi des sophistes, plutôt que leur imitateur : Timon a souvent des mots durs pour les mégariques. Sa doctrine a été une réaction contre les abus du raisonnement : et s’il s’est servi de la dialectique, c’est probablement pour combattre les dialecticiens.

Entre le pyrrhonisme et la philosophie de Démocrite, les liens sont beaucoup plus étroits[3], Il est certain que Pyrrhon avait lu Démocrite, et qu’il garda toujours pour ce philosophe un goût très vif. Timon ne parle de Démocrite qu’avec éloges. En outre, Pyrrhon fut l’ami et le compagnon d’Anaxarque, qu’on range quelquefois parmi les sceptiques[4], et Anaxarque

  1. On trouve il est vrai, chez Timon, le successeur de Pyrrhon, quelques idées qui semblent provenir d’une source mégarique. Voir ci-dessous, p. 88.
  2. Voir ci-dessous, p. 59.
  3. Toutes les raisons qu’on peut donner pour rattacher Pyrrhon à Démocrite ont été présentées avec beaucoup de force par Hirzel (Untera. zu Cicero’s philosoph. Schriften, Theil III, p. 3, Leipzig, Hirzel, 1883). Toutefois il nous semble que Hirzel tient trop peu de compte de l’originalité de Pyrrhon. Pyrrhon a subi à un haut degré l’influence de Démocrite, nous l’accordons, mais nous nous refusons à voir en loi un simple disciple.
  4. Pseud. Gal., Hist. phil. III, p. 234, édit. Kuhn. Cf. Sextus, M., VII, 48, 87.