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la garçonne

mentaient, tous, tous !… La colère la prit. Elle ne dominait plus ses nerfs. Et durement :

— Notre amour !… N’en reparlez plus jamais.

— Franchement…

Elle éclata de rire :

— Franchement ? Savez-vous seulement ce que ce mot veut dire ?… Eh bien, soit ! Franchement, tout est fini entre nous… Non ! Non !… Inutile. Ne croyez pas à quelque ruade de jeune animal, qu’on apaise en le caressant ! Je ne me marierai jamais. Ni avec vous, ni avec un autre. Hier en quittant le restaurant, j’ai laissé derrière moi pour toujours, entre vos mains, la Monique que j’étais… Que sa dépouille vous soit légère !… Maintenant, ce n’est plus la jeune fille, c’est la femme qui vous parle. Vous entendez ! Une femme…

Il la regardait, sans deviner. Alors elle cria :

— Je me suis donnée à un autre. Oui, avant de rentrer ici, où ma mère m’attendait…

— Monique !

— Ne m’interrompez pas, ou je vous laisse. Pourquoi j’ai fait cela ? Parce que nous n’avons plus rien de commun. Pourquoi je vous le dis ? Pour qu’il y ait entre nous, désormais, une barrière infranchissable !

Il esquissa un geste. Elle trancha :

— Le passé, vous l’avez pourri, comme tout le reste. Mon abandon d’enfant crédule ? Qu’importe ! Et surtout que vous importe ? Vous ne m’avez jamais aimée… Moi ? Je ne vous hais même pas. Mais si vous saviez comme je vous méprise ! Non, laissez-moi, j’achève. Ce qu’on en dira, c’est cela, n’est-ce pas ? Les conséquences ?… Je m’en moque. La société ? Je la récuse. Je romps avec elle pour vivre comme une