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la garçonne

la réconciliation ? Si, réellement, l’état de sa mère ?… Non ! En dépit de la rupture, qui, des siens, avait fait pour elle deux étrangers, elle éprouverait, instinctivement, quelque émotion, au lieu de cette insurmontable méfiance.

— Je réfléchirai, dit-elle enfin.

Elle regardait Plombino, sans le voir. Sa pensée errait, du jardin d’Hyères, à la villa de Trouville. Les jours vécus brusquement tramaient, dans l’ombre de sa mémoire, leurs fines toiles d’araignée… Lui, sous le regard distant qui le chauffait comme un rayon de soleil, se dilatait, heureux. Il insista, affectueusement :

— Fous ne leur refuserez pas cette joie !

— Ma mère est alitée ?

— Elle se lève depuis une quinzaine. Elle sort même un peu, l’après-midi…

— Eh bien, fit-elle, rassurée, — ébranlée pourtant… Dites-lui qu’elle me téléphone… Nous verrons.

Plombino lui saisit les mains si prestement qu’elle n’eut pas le temps de se mettre en garde, et dévotieusement y appliqua ses lourdes lèvres. Elle eut un recul violent. Mais rien ne rebutait le gros homme, excité par la chair fraîche. Il bredouilla :

— Merci, ma chère enfant… Et permettez-moi de fous féliciter. Quelles merveilles !

Il tournait en soufflant, au milieu des bibelots anciens. Et désignant les sièges de laque, aux belles courbes :

— Le style Lerbier ! Il faudra que fous me fassiez la grâce de remeubler le rez-de-chaussée de mon hôtel du parc Monceau. Je ne veux que du moderne.

Il ne décollait pas. Elle dut prétexter un travail, et