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la garçonne

field, le coude enfoncé dans les coussins, et haussant le buste par dessus l’épaule de Monique, surveillait, sans en avoir l’air, chaque geste.

La grasse beauté d’Irma et l’élégance nerveuse de Carmen, — qui entraient en saluant, désinvoltes dans leurs peignoirs qui aussitôt tombèrent, — furent immédiatement sympathiques, à son œil de connaisseuse. Nues, les filles dépouillaient toute la livrée des conditions sociales. Elles revenaient à la simplicité animale, à l’inconscience primitive.

Il n’y avait plus dans la chambre turque, — hors Zabeth et Monique, qui avaient gardé leurs robes, — que des bêtes blanches. En même temps que Carmen et Irma, Ginette, Michelle et le beau Max avaient envoyé promener, à travers la pièce, les vêtements superflus.

Zabeth, devant leurs jeux, s’enflammait.

Déjà, sous les baisers dont la Flamande lui parcourait le corps, Ginette, les bras devant les yeux, poussait son habituel roucoulement, tandis qu’à côté d’elles, Carmen et Michelle, lovées en cercle avec Max, nouaient étroitement, de bouche à sexe, une ondulante guirlande.

Toute l’ivresse de Monique s’était dissipée. Morne, elle contemplait Zabeth rivée au tressaillement de ces chairs… Émoi de novice ! Que de fois, en des lieux pareils, à des heures de même égarement, Monique les avait-elle aussi caressées ! Michelle, Ginette, une autre Carmen ou une autre Irma, formes familières, presque anonymes, de l’écœurement toujours étreint, de l’oubli jamais atteint…

L’étouffante chaleur de la pièce calfeutrée, un vertige de fatigue en même temps qu’une immense paresse la clouaient inerte, sur la couche de stupre, quand