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la garçonne

— Qui ?

— Qui ? je ne sais pas, moi…

Il chercha, jeta des noms. Il jugeait, d’un mot, et qui peignait. Ils disaient leurs préférences, souvent communes. Monique, tout en se laissant aller au divertissement de discuter arts et lettres avec le romancier, se demandait pourquoi la sympathie, entre eux, s’accrochait de la sorte… Il était laid, et, plus encore qu’à leur première rencontre chez Vignabos, faisait parade d’un esprit féroce…

Pourtant, cette fois encore, la brusquerie bourrue de Boisselot ne lui déplaisait pas… Oui, pourquoi ? Obscure attirance vers le compagnon d’une heure gravée dans son souvenir ?… Invisible lien d’un passé qui avait été doux ? Mais alors elle eût de même prolongé sa conversation avec Blanchet, lorsqu’il l’avait abordée, au Louvre… « Non, ce qui m’intéresse, songeait-elle en écoutant la voix tranchante, c’est la droiture de ce caractère… Voilà quelqu’un d’honnête… » La personnalité que les propos de Boisselet révélaient, et aussi la naïveté qu’il devait cacher sous son air de fauve, lui semblaient une chose si rare et si nouvelle qu’elle en appréciait, soudain, la révélation.

À diverses reprises, apercevant les signes de reproche que lui adressait Mme Bardinot, elle s’en était débarrassée d’un geste : « Je viens ! » Mais les minutes passaient… elle causait toujours.

— Adieu lâcheuse ! lui jeta Ponette, en s’en allant, sans s’arrêter.

Elle s’embêtait ferme entre Ransom somnolent et Plombino furieux, qui, Monique les lâchant, s’étaient remis à parler de leurs éternelles affaires… Elle jugeait cette petite Lerbier décidément toquée. Rien à