Page:Victor Margueritte - La Garçonne, 1922.djvu/235

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
233
la garçonne

le paradis de Rozeuil… oui, le paradis ! Elle ne l’aurait donc atteint que pour le perdre ?

L’instinct en elle cria, plus haut que l’orgueil. La peur plia, fut adresse. Il lui tournait le dos, nouant ses lacets de bottines. Elle l’entoura de ses bras. Et, sans paraître s’apercevoir de sa bouderie, tenta la diversion :

— N’oublie pas de dire à ton éditeur qu’il aura demain les fleurons, pour tes fins de chapitre. Ils seront gravés et clichés aujourd’hui. Je veux qu’il y ait quelque chose de moi, dans ton livre…

Il promit. Il était touché, réchauffé par ce qui brûlait de tendresse, sous les cendres de ce cœur. Mais, malgré lui, l’obsédante pensée le lui montrait comme un foyer calciné, noirci par tous les feux d’autrefois. Il ne savait pas, aveuglé par son possessif égoïsme d’homme à quel point l’amour, dans une âme comme celle de Monique, consume d’une seule et dévorante flamme toutes scories, fait place nette.

Pour elle, de l’heure où ayant connu Régis elle l’avait élu, rien ne subsistait, plaisir ou peine, de ce qu’elle avait pu, à travers d’autres, ressentir. De sa halte à Rozeuil, elle était repartie, renouvelée. Une Monique heureuse, et qui, sachant le prix du bonheur, le voulait garder.

Une autre femme…