Page:Victor Margueritte - La Garçonne, 1922.djvu/237

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
235
la garçonne

Même leurs premiers dissentiments, — cette hargne qui le rendait sauvage au moindre rappel de la jalousie, — n’était-ce pas une preuve d’exclusif attachement, touchante, presque flatteuse ?

Lorsqu’elle avait souffert du grief de ses silences, du reproche de ses allusions, de toute cette guérilla sournoise et harcelante, elle se persuadait : « comme il m’aime ! »

Elle pensa même, un moment, qu’il serait doux d’unir plus étroitement leurs vies. S’il prenait un appartement, où elle pourrait partager davantage son temps ? Il irait déjeuner tous les jours chez la vieille Mme Boisselot… Mais il redoutait pour l’infirme, à son âge, ce demi abandon.

Monique se contentait mal de cette existence en partie double, coupée, hachée par ses affaires, et surtout par l’obligation où se croyait Régis de ne pas sacrifier sa mère en s’installant seul.

La précarité et la brièveté de leurs rencontres, — hors les nuits où ils se retrouvaient rue Pigalle, — leur laissaient une soif de se retrouver que leur réunion amoureuse altérait, quotidiennement, au lieu de l’apaiser. Soif amère et tourmentée.

Comme un cadre rétrécissant, redoré en vain, l’ex-fumerie restée garçonnière contraignait leur amour à un reploiement funeste, tournait sans cesse, vers une hostilité involontaire, leurs pensées en défiance. Alors elle déchanta.

Elle commençait à s’irriter de cette dissonance, où elle ne pouvait mais. Elle lui en voulut. Elle lui répétait : « Le passé est le passé. Ni toi, ni moi n’y pouvons rien… Puisque je t’aime ! Qu’est-ce que cela peut te faire ?… » Il en tombait d’accord, avouait son