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la garçonne

d’avoir ainsi achevé d’édifier sa fortune, la Russe préférait demeurer seconde en titre, et sans risques, dans une entreprise où elle était, en réalité, première.

Monique, lui laissant le souci de la conduite générale, avait retrouvé avec plaisir ses crayons et ses pinceaux… Réintégration partielle, mais suffisante de personnalité, pour que le calcul intéressé de Régis donnât le contraire du résultat attendu. En se retrempant dans le salubre courant du labeur, Monique y repuisait à mesure une énergie dont elle sortait comme d’un bain, la pensée nette et le regard clair. Après l’épanouissement physique, elle recouvrait, peu à peu, la santé morale.

L’occupation où son amant n’avait vu qu’un moyen de préserver, en se le réservant, un monopole d’autorité, rendait à l’âme qu’il eût voulu assujettir la conscience de sa valeur. Sentiment qui, au sortir de sa déchéance, exaltait Monique d’un réconfort.

Elle supporta moins facilement le despotisme dont Régis, involontairement, faisait abus. Une révolte grondait en elle, chaque fois qu’il la forçait à réaborder aux rivages d’où lui-même, cependant, l’avait arrachée,

Tout servait de prétexte à ses maladroites observations. L’incident le plus futile déchaînait en lui le fauve tapi sous le civilisé… Suivies de rémissions passionnées, les scènes se succédaient, de plus en plus pénibles. Nulle pourtant n’avait encore atteint en violence celle qu’un hasard inopiné causa : la réapparition du danseur nu.

Ce fut à une représentation de gala, organisée par Ginette Hutier, au bénéfice de l’Œuvre des Mutilés Français, dont après six ans d’existence l’Hospice