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la garçonne

toi. Quelque mal que tu me fasses sans raison, — tu vois bien, je souffre, avec toi, du tourment que seul tu te causes…

Il l’écarta rudement :

— C’est moi, n’est-ce pas, qui ai couché avec Peer Rys ?

Elle haussa les épaules.

— Est-ce la peine d’avoir écrit Les Cœurs sincères pour me reprocher aujourd’hui ma franchise ? N’ai-je pas eu, avant d’être à toi, la loyauté de te confesser toute la triste vérité de ma vie ?

— Je ne te l’avais pas demandé.

— Régis ! Ce n’est pas possible, ce n’est pas toi qui parles !… Cet aveu échappé à ma confiance, à ma tendresse, et dont tu abuses pour nous torturer aujourd’hui, tu préférerais que je ne l’eusse pas fait ?… Oublies-tu que c’est cet élan qui nous a rapprochés l’un de l’autre ? Aurais-tu préféré que je me taise, et que, devenus amants quand même, — car cela aussi c’était écrit, — nous restions masqués ?

— Peut-être.

— Non, non ! Ni toi ni moi nous n’aurions pu ! Ou alors nous ne serions ni toi ni moi, et nous ne nous aimerions pas, vraiment. Est-ce qu’on peut avoir quelque chose de caché, l’un pour l’autre, quand on s’aime ? Et peut-on s’aimer, vraiment, sans se connaître ? Sans se connaître l’un et l’autre à fond, tout entiers ?

— Non.

— Tu t’imagines me cachant de toi, même quand tu m’interroges, au risque de me trouver un jour démentie ?… Car, maintenant, c’est toi qui m’interroges !