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la garçonne

— C’est peut-être drôle. Développe !

Deux coups frappés à la porte de la chambre arrêtèrent la réponse que Monique, prête à la riposte, devinait déjà. Fou ! il était fou !… La femme de ménage, Julia, un bandeau sur l’œil, parut. C’était une maritorne replète et poussive, à la pauvre face rongée de vitriol. Un souvenir d’amour ! Elle annonça, en tortillant son tablier :

— Le déjeuner est servi.

Ils attendirent, assis devant les hors-d’œuvre, d’être seuls. D’un pas traînard, Julia se décidait enfin à quitter la salle à manger. Elle n’avait d’autre intérêt que de regarder vivre ses maîtres. Elle guettait avec délices, avide des moindres détails, l’heure des querelles. C’étaient ses récréations. D’instinct, elle était toujours du parti de Régis : bête de somme, asservie à l’homme. L’élégance, l’indépendance de Monique au fond la choquaient, dans la nuit de son ergastule…

— Puis-je apprendre, maintenant, ce qui m’attire à Vaucresson ?

Il hésita, redoutant de donner corps, en le précisant, au soupçon qui le ravageait.

— Comme si tu ne le savais pas !

Et railleur, il fredonna :

« Parfum d’amour… Rêve d’un jour ! »

Elle le considérait avec pitié. Fou, qui soulignait, le premier, des pensées auxquelles jamais, sans lui, elle ne se serait arrêtée !… Il ne put supporter son ironie compatissante, nargua :

— Vaucresson, ou le rendez-vous des amis ! Des vrais, des seuls !… Parions qu’on y retrouvera, comme par hasard, non seulement ce bon Vignabos, mais encore cet excellent…