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la garçonne

Il tira de son sous-main et montra, recollé bout à bout, le puzzle accusateur.

— Compliments ! fit-elle.

— Ce qui te manque, et ce qu’elle te propose, n’est-ce pas, — car ce n’est pas seulement une belle, mais une bonne âme, — c’est une petite visite à Vaucresson ? Hein ? c’est ça ?

— C’est ça.

Il se leva, du même élan rageur qu’il avait eu, l’autre dimanche, pour l’entraîner hors du Vert-Logis. Mais cette fois, il la saisit par le poignet et la secoua.

— Brute ! brute ! gémit-elle… Eh bien ! oui ! Paris me manque, et Vaucresson… et même Blanchet, si ça peut te faire plaisir !…

Elle comparait, involontairement, à la face bilieuse et barbue, avec son regard assassin et sa mâchoire dure, le visage noble et fin que Régis lui-même avait devant elle campé, et qui, au contraste, dans la nuit où elle se déballait, lui parut lumineux, comme une naissance de jour.

— Lâche-moi !

— Jamais…

Il l’avait poussée loin de la porte, contre le mur. Insensible aux coups dont elle le frappait, il la maintenait par les épaules. Il criait en même temps :

— Tu avoues, hein ?… Je le savais… Tu n’as jamais été qu’une roulure.

Elle se dégagea, d’une secousse désespérée. Il la vit déjà partie, perdue. Alors la rage le transporta. Il dégorgea la sanie qui l’étouffait :

— Vous étiez faits pour vous entendre. Une putain et un maquereau !…

Elle le regardait avec une pitié si insultante, qu’il