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la garçonne

— Juré ?

— Parbleu !

Lucien Vigneret, à trente-cinq ans, abordait le mariage comme on entre au port, après une traversée orageuse. Avec la certitude d’être aimé, il goûtait d’avance le calme de l’esprit, dans la satisfaction des sens. Il chaussait la perspective de cette stabilité comme une tiédeur de pantoufles. Il ne songeait qu’à son bonheur.

Celui de Monique ? Il se persuadait de l’assurer, en se jouant. De la tendresse, des prévenances et, bientôt, l’absorbante présence des enfants… Absorbante, pour la mère. Car, des enfants mêmes, il ne se souciait guère, ayant déjà, de par le monde, une fillette abandonnée… Responsabilité qui ne pesait pas plus, au cent à l’heure de sa conscience, que son dernier chien écrasé. Son grand tourment, à l’heure actuelle, était la rupture inévitable, au moins en apparence, avec sa maitresse, Cléo, modiste.…

Une jeune femme qu’il avait, jeune fille, débauchée, puis établie, et qui comptait bien l’épouser, un jour. Nature emportée, jalouse, — tout à fait le caractère de Monique ! Mais, plus que la franchise et la spontanéité de celle-ci, — engluables, estimait-il, surtout depuis qu’il l’avait conquise sans réserve, — il craignait de la part de l’autre, à la mairie, quelque éclat. Comment l’éviter ? En endormant ses soupçons, jusqu’à la fin… D’ici là Il serait maître, brevet en poche, de l’affaire Lerbier. Ensuite on verrait ! Quitte à atteler discrètement à deux, s’il le fallait, pour commencer…

Lucien Vigneret, calculateur avisé, escomptait le gros coup, dans cette association avec son futur