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Page:Vidal de la Blache - Tableau de la geographie de la France, 1908.djvu/153

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ravins ou des vallées trop étroites; une infinité de petites sources imbibent les vallons et les creux, y suintent en vernis ou marais semés d’aulnes et de joncs, noient les prairies, creusent d’ornières profondes les sentiers raboteux, multiplient des ruisseaux qu’on ne pouvait jadis traverser que sur des troncs équarris ou des pierres disposées au travers.


I L'HABITAT DANS LE MORVAN

C’est ce qui a tenu isolés ces petites fermes ou ces hameaux entre leurs sentiers couverts, leurs ouches ou petits terrains de culture aux abords des maisons, leurs haies d’arbres et leurs ruisseaux. Le contraste était grand entre cette dissémination et les bourgs agglomérés des pays calcaires ; moins frappant toutefois encore que celui qu’offrait l’aspect des maisons. Privée de la belle pierre de taille qui imprime même aux plus humbles demeures un air d’aisance, la vieille maison du Morvan, celle que les progrès actuels de la richesse font chaque jour disparaître, mais qu’on retrouve encore çà et là, a un aspect informe et sauvage. Basse et presque ensevelie sous son toit de chaume, elle dit ce que fut longtemps la condition de l’homme dans ce pays arriéré de terres froides, pays de loup, a dit un de ses enfants. De grandes routes pouvaient le traverser, mais rien n’y attirait, rien n’y fixait ; il fallait en sortir pour s’élever à un mode meilleur d’existence.


II COLLINES TERRES-PLAINES AUTOUR DU MORVAN

Comme le bord oriental du Massif central, le Morvan, trop rigide pour obéir aux plissements qui ont achevé de dresser les chaînes des Alpes et du Jura, a été fracturé sous l’effort de ces mouvements terrestres. C’est à ce réveil relativement récent du relief qu’est dû le grand travail de déblaiement qui en a dégagé le pourtour. Non contentes de ne laisser à sa surface que de rares et petits lambeaux des couches sédimentaires qui l’avaient couvert, les eaux, se précipitant sur la pente nouvelle créée vers le Nord et vers l’Ouest, ont labouré de leurs efforts combinés le pied du Morvan, déchiré le plateau calcaire qui l’enveloppait, et au-dessous des buttes isolées qui en laissent voir l’ancienne continuité, mis à nu les terrains marneux et fertiles du lias[1]. Un large sillon déprimé, où abondent les eaux, les cultures, les herbages même et les riches villages, s’est ainsi dessiné en contiguïté avec le Morvan. Une ceinture de pays fertiles, que le langage populaire a su parfaitement distinguer, se déroule au Nord, au Nord-Est et à l’Ouest. Au Nord, où l’action des eaux s’est exercée avec le plus de force, ce sont les terres-plaines au contact desquelles Avallon, dernière ville morvandelle, se dresse sur ses roches de granit rouge. Au Nord-Est, c’est l'Auxois, largement labouré par les sillons de l’Armançon et de ses tributaires. A l’Ouest les accidents tecto-

  1. Lias, étage inférieur du système des terrains jurassiques.