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Page:Vidal de la Blache - Tableau de la geographie de la France, 1908.djvu/170

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qu’une seule ouverture ; quelques-unes étaient de vraies citadelles, entourées de fossés, garnies de tourelles, capables de soutenir un siège. Cet aménagement stratégique n’est plus qu’une curiosité du passé ; il disparaît ; mais, malgré le prosaïsme nécessaire qui a comblé les fossés, percé plus d’ouvertures, le contraste subsiste entre l’enceinte muette et la cour grouillante[1]. Au centre, le fumier où picore la volaille : autour, les étables, les bergeries et la maison, c’est-à-dire l’habitation où se maintenait rigoureusement autrefois la hiérarchie de cette république agricole. Là se groupait en deux tablées, l’une pour les fermiers, l’autre pour le personnel de manouvriers, bergers et ouvriers agricoles, le peuple de la ferme. C’était jadis un peuple attaché en permanence à la ferme, dont la tête et les bras mettaient en valeur les 100 ou 150 hectares, qui dépendent, soit réunis, soit morcelés, de ce centre d’exploitation. Cette physionomie rurale de la Brie se modifie aux approches de Paris ; elle s’ennoblit à mesure que le faisceau des vallées se resserre et qu’entre elles recommencent à se montrer les grandes forêts, conservées pour la chasse et la vie seigneuriale.


I VALLÉES DE LA BRIE

Dans ce massif compact les courants n’ont pratiqué que des vallées rares, mais de plus en plus profondes et sinueuses. Par le large couloir d'Épernay, taillé dans les sables, la Marne s’enfonce entre les calcaires et travertins où, comme ses affluents, elle s’imprime en vigoureux méandres. Des châteaux, des fertés ont ainsi trouvé, sur les parois qui bordent immédiatement l'alluvion, des sites favorables. Mais ce qui, à partir de Château-Thierry, caractérise plus encore ces vallées briardes, c’est, conformément à la pente géologique, l’apparition des couches supérieures, que constituent des gypses, puis des marnes et un cordon de glaises et argiles vertes, surmonté par le calcaire et les meulières de Brie. Les flancs des vallées montrent dès lors un aspect plus varié. Le soubassement de calcaire grossier se déroule en talus raide et uniforme, rayé de champs ; mais au-dessus, dès qu’affleurent les bandes de gypse et d’argile, le modelé change, il s’évase en cavités douces où trouve à se nicher, avec ses vignes et ses vergers, la petite culture.

Désormais le type de la vallée parisienne est fixé. Cette bande argileuse, déroulée à flanc de coteau, accompagne fidèlement le profil de toutes nos collines ; l’œil cherche instinctivement, dans la région parisienne, les peupliers qui la signalent. Elle est peu épaisse, mais singulièrement continue. Comme elle trace sur son parcours un niveau d’eau et de sources, elle constitue une des lignes les mieux caractérisées d’établissements humains. Parfois, dans les carrières de gypse si fréquentes aux environs de Paris, on voit le contact de ces argiles se déceler par des teintes finement verdâtres qui se mêlent au gris

  1. Voir, par exemple, le tableau de N. Lépicié au Musée du Louvre (n° 549).