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Page:Vidal de la Blache - Tableau de la geographie de la France, 1908.djvu/175

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I ZONE FORESTIÈRE ET MARÉCAGEUSE

Ces élargissements successifs de la vallée de l’Oise donnent lieu à des marais ou à des tourbières. L’eau surabonde à la surface, partout où la craie rencontre la couche imperméable des argiles[1] ; elle entretient les marais qui parsèment encore une partie de la vallée au Nord de Pont-Sainte-Maxence. C’est le spectacle que présentait aussi autrefois le dernier élargissement de la vallée de l’Oise, entre Précy et Beaumont. Lorsque d’un des points de l’hémicycle calcaire qui l’encadre sur la rive gauche, soit des coteaux de Luzarches, soit des abords de Chantilly, on regarde à ses pieds, on voit une grande plaine plate qui n’a pas moins de 8 kilomètres de large. Superbe aujourd’hui dans son foisonnement d’arbres et de prairies qui lui donne, en été, l’aspect d’un parc anglais, cette plaine trahit encore la nature marécageuse. Elle a des rivières qui se perdent en étangs, quelques marais encore (marais du Lys), des prés envahis par les joncs ; c’est parmi des fossés pleins d’eau que se dressent les ruines de l’abbaye de Royaumont.

Autour de cette plaine, le cadre est formé au Nord, à l’Est et au Sud par les coteaux calcaires qui, de Saint-Leu-d’Esserent, par Chantilly et Luzarches, se déroulent jusqu’à Beaumont-sur-Oise. Un air de richesse précoce respire dans les nombreux villages ou petites villes. La belle pierre de construction y donne vie et couleur à d’intéressants édifices. Mais une surprise attend celui qui franchit vers l’Est l’hémicycle de cotaux. Au lieu d’être surmontés, comme dans le Soissonnais et le Vexin, par des plates-formes agricoles, ils servent de soubassements à de grandes forêts. Cela tient à la présence de sables qui s’étendent entre Senlis et Ermenonville. Ces sables interrompent toute culture, La svelte flèche de Senlis, qu’on aperçoit de loin, semble planer sur des solitudes.

Ce n’est plus, ici, la forêt humide. Pour peu qu’on s’avance vers Mortefontaine, on voit des bruyères, des landes et d’immenses forêts de pins se dérouler dans la direction d’Ermenonville. La vraie nature du sol apparaît : sables et grès, tantôt mêlés à un peu de limon, tantôt purs et alors stériles. Certains aspects rappellent la forêt de Fontainebleau. Cependant les sables ne sont pas de même âge. Ceux-ci sont plus anciens ; ils appartiennent à la série moyenne de l’éocène[2]. Mais souvent aussi secs, ils forment, comme ceux de la célèbre forêt, une vaste nappe d’infiltration. Les eaux ne reparaissent qu’à la périphérie ; et c’est alors qu’à la lisière des bois, devenus plus variés eux-mêmes, brillent les étangs et jaillissent les sources. Des châteaux et des parcs ont pris possession de ces sites pittoresques, sans parvenir à en dénaturer entièrement le fond primitif. Chantilly, Mortefontaine ne laissent

  1. Ce phénomène peut être considéré comme normal sur la périphérie de la région tertiaire. Partout, au contact de la craie et des argiles, existent des marais, des étangs, des tourbières : près de Laon comme aux sources du Petit-Morin au Sud d’Épernay, comme aux environs de Beauvais et de Liancourt. La forte position de Laon tient en partie à ces circonstances.
  2. Sables moyens, dits de Beauchamp. Voir fig. 45, p. 97.