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Page:Vidal de la Blache - Tableau de la geographie de la France, 1908.djvu/195

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dités par l’usage, et significatifs, tels que Pelit-Perehe, Perche-Gouel spécifient des pays qui lui ressemblent.

Des bourgades, comme lUiers, Brou, lieux d’échange entre la Beauce et ces avant-coureurs du Perche, ont déjà un caractère mixte. Les poutrelles et les bois qui entrent dans la construction des maisons, les vergers qui les entourent, comme les pommiers qui se multijjlient dans les champs, rendent sensible en mille détails l’altération du caractère de la Beauce. Le Loiret ses affluents naissants y promènent déjà leur cours herbeux, lent et profond.

Le passage d’une région à une autre est plus tranché au Sud-Ouest, dans la langue de terre que délimitent la Loire et le Loir. La vaste forêt qui, au Moyen âge, couvrait le sol siliceux de la Gàtine tourangelle, se montre encore par quelques lambeaux détachés entre Blois, Châteaurenault et Montoire. Mais au contact immédiat du pays différent qui commence, le nom de Beauce s’affirme, avec une insistance qu’explique le contraste, dans une foule de localités. Huisseau. Marcilly, Saint-Amand, Champigny, etc., se disent « en Beauce », et y sont en effet, malgré la forêt de Marchenoir qui les couvre au Nord.

De même, vers l’Est, Pithiviers maintient avec énergie son caractère beauceron ; mais, à une vingtaine de kilomètres plus loin, le limon disparaît : à Beaumont, Beaune-la-Rolande, Mézières, la Gâtine commence. C’est qu’avec le changement de paysage et de sol commencent aussi d’autres modes d’existence. Depuis longtemps la grande culture était installée, constituée sur les campagnes de Beauce, que le pays voisin n’était qu’un pauvre terroir semé d’étangs et noyé de brouillards où s’établissaient au hasard, le plus souvent incapables de payer la rente dont ils étaient grevés, quelques « manouvriers » misérables.


La Beauce n’est donc pas une circonscription territoriale ; elle est l’expression d’une forme de sol et d’existence, dont la notion tres nette existe dans l’esprit populaire. Il serait chimérique de lui chercher d’autres limites ; et il ne faut pas s’étonner si le nom revient sporadiquement parfois, ramené par la nature des lieux. On le retrouve ainsi, fourvoyé en apparence, jusque sur les confins du Perche ou en plein Hurepoix. Mais il restera toujours un pays, qui est la Beauce par excellence, parce que ce type de nature y accuse franchement et pleinement ses caractères : c’est celui qui, d’Etampes à Pithiviers, Artenay, Patay, Anneau, se déroule dans son uniformité sans mélange. Les petites rivières qui découpent en petit nombre la périphérie de la Beauce ne se laissent soupçonner sur cette espèce déboucher convexe que par quelques légères entailles à sec, ou par le commencement de rouches ou lignes de marais. La vie de plaine y existe seule, à l’exclusion de la variété qu’amène toujours la vie de vallée. Elle se concentre en de gros villages, agglomérés