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Page:Vidal de la Blache - Tableau de la geographie de la France, 1908.djvu/28

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plastiques, il se traduisit, non par des plissements nouveaux, mais par des dislocations et des fractures. Ces fractures accompagnées de pressions latérales eurent pour résultat de surélever certaines parties de la surface, tandis que d’autres s’affaissèrent.

On distingue ainsi, sur notre territoire, deux types de structure. L’un est la zone d’anciens massifs qui se succèdent de la Bohême au pays de Galles, soit par le Massif rhénan et l’Ardenne, soit par les Vosges, le Massif central et l'Armorique, fragments de la grande chaîne dressée à la fin des temps primaires. Entre ces piliers restés debout, de grandes surfaces, comme privées de support, ont cédé à un mouvement prolongé d’affaissement. On voit ainsi entre les pointements des anciens massifs s’étendre des aires d’enfoncement: tantôt des bassins comme ceux de Souabe, de Paris, de Londres ; tantôt une fosse comme la vallée du Rhin. La mer, qui occupait jadis ces dépressions, ne les a pas complètement évacuées. La Manche, la mer du Nord interrompent, par transgression, la continuité d’anciens massifs. Mais la nappe dont elles recouvrent le socle continental est mince. Ce sont des mers à fonds plats, dont les flots dissimulent sous des profondeurs inférieures à 200 mètres une partie du bassin de Paris, de celui de Londres, du Massif armoricain.

L’autre zone est celle qu’occupent les chaînes de plissements récents qui s allongent le long de la Méditerranée, en partie aux dépens du lit de méditerranées antérieures. En longues guirlandes se déroulent les chaînes élevées, aériennes: de Berne, Grenoble, Pau, on les voit, par un temps favorable, s’aligner sous le regard. La destruction s’exerce sur elles avec une activité à peine amortie[1]. Les chaînes courent en général parallèlement aux rivages ; ou bien, comme les Pyrénées orientales, elles sont brusquement, en pleine hauteur, interrompues par eux. La mer se creuse à leur pied en fosses profondes ; des abîmes de plus de 2 000 mètres sont, entre Nice et Toulon, aussi bien que sur la côte méridionale du golfe de Gascogne, tout voisins du littoral. Dans les parties que la mer a délaissées depuis les derniers temps géologiques, la nature des dépôts indique souvent des profondeurs considérables ; la faune fossile diffère entièrement de celle des anciennes mers qui ont envahi le bassin parisien. Il est visible que la nature a travaillé dans ces deux régions sur un plan différent. La diversité actuelle de physionomie est l’avertissement de diversités invétérées et séculaires.

Nous ne pousserons pas plus loin, pour le moment, ces comparaisons.

  1. Toute région en relief est exposée à une destruction rapide. La gelée désagrège les roches les plus résistantes ; les glaciers usent leurs bords et leur lit ; la force des eaux, excitée par la pente, ravine les flancs des montagnes, en arrache des blocs qui, réduits par le frottement à l’état de galets, puis de sable et de boue, sont entraînés au loin et forment des plaines de sédiment. Lorsque ce travail de destruction s’est prolongé pendant des périodes géologiques, l’usure est telle que les anciens massifs montagneux ont un aspect émoussé et que leur niveau se rapproche de celui des plaines. La Bretagne offre, chez nous, le meilleur type de cette topographie. Au contraire, dans les chaînes d’origine relativement récente, comme les Alpes, les formes sont hardies et élancées, parce que la destruction n’a pas eu le temps d’accomplir toute son œuvre. Dans le premier cas la lutte est presque arrivée à son terme ; dans le second, elle est en pleine énergie.