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à sa manière d’intermédiaire avec les contrées de la Baltique et de la mer du Nord. Celles-ci, isolées par une ceinture de marais et de forêts dont les peuples du Midi ne parlaient qu’avec horreur, tirèrent de leur propre fonds une civilisation originale qui ne commença que tard, à peine cinq siècles avant notre ère, à entrer en contact direct et en relations fréquentes avec la Méditerranée. Mais bien auparavant, la civilisation du Sud s’était fait jour dans les contrées intermédiaires. Ce grand foyer avait projeté autour de lui une auréole de demi-culture qui embrassait les contrées du Danube, du Rhin et de la Gaule. Celle-ci en profita plus qu’aucune autre. Vers 500 ou 600 avant J.-C., elle avait assez de besoins généraux pour que la civilisation des bords de la Méditerranée fût pour elle comme une table richement servie. Le passage de la civilisation du type de Hallstatt qui fait place, vers 400 avant notre ère, à la période dite de la Tène, exprime une accélération de progrès qu’il n’est que juste de rapporter à l’accroissement des relations avec la Méditerranée[1].


VIII COUP D’ŒIL SUR LA MÉDITERRANÉE DANS NOTRE HISTOIRE

En mettant en contact l’Orient méditerranéen et l’Ouest de l’Europe, la mer remplit le rôle qui semble lui appartenir dans le domaine de la civilisation comme dans le monde physique, celui d’amortir les contrastes, de combler les inégalités.

Des mers qui baignent notre pays, la Méditerranée est la seule dont l’influence se soit fait puissamment sentir sur nos origines. Ce qu’elle nous a surtout communiqué, c'est ce que la barque du commerçant porte avec elle, le luxe dans le sens du superflu nécessaire à la civilisation, l’éveil et la satisfaction de besoins nouveaux. Elle fut une initiatrice ; et c’est pourquoi son nom éveille en nous le charme qui s’attache aux souvenirs d’enfance.

Ce que la Méditerranée avait été pour notre pays aux débuts lointains, elle le resta longtemps encore. Pendant longtemps tout ce qui présentait un degré de vie supérieur, tout ce qui éveillait une idée de raffinement intellectuel et matériel, continua à émaner de la Méditerranée. Jusqu’à l’époque étonnamment tardive où l’Europe connut d’autres contrées tropicales que celles auxquelles la Méditerranée donne accès, cette mer fut la seule voie d’où pouvaient provenir certains produits dont la civilisation avait fait une nécessité. La foire de Beaucaire était encore, il y a cinquante ans, dans le Midi, l’objet de dictons rappelant ce passé.

Cependant les rôles avaient changé, s’étaient presque intervertis entre l'Orient et l’Occident. Mais sur l’Orient déchu, pulvérisé, réduit en miettes

  1. La civilisation de la Gaule indépendante est exposée par M. Bloch dans le tome I, livre II, chapitre I de l’Histoire de France. — Sur la civilisation de Hallstatt et de la Tène, voir liv. I, chap. i, p. II.