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Page:Vidal de la Blache - Tableau de la geographie de la France, 1908.djvu/66

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du Vercors. Le feuillage clair du noyer s’épanouit dans un air humide quoique encore baigné de lumière. C’est que nous entrons dans la zone des étés mouillés, où l’été devient, suivant le régime de l’Europe centrale, la saison qui apporte la plus grande quantité de pluie. Ce sont les conditions qui règnent en Suisse, dans la Basse-Auvergne, et qui font de la Limagne un verger.

Lyon n’échappe pas entièrement au Midi ; il en a surtout les brusqueries de température, la bise, d’assez fortes amplitudes dans les différences de chaud et de froid. En somme, pourtant, une note plus septentrionale domine dans le paysage. Cet aspect, déjà sensible dans le Bas-Dauphiné, plus accentué dans la Dombes, résulte surtout de la composition du sol. L’empreinte des anciens glaciers n’a pas disparu. Sous forme de dépôts boueux, de graviers et cailloutis, de limon décalcifié, d’argiles épaisses, les éléments triturés des anciennes moraines constituent au seuil du Midi « des terres froides » aux fréquents brouillards. La Bresse même, que les glaciers n’ont pas atteinte, a un sol imperméable où le voisinage de l’eau se devine à la fréquence des arbres, des « buissons », des prés, qui, avec les champs dont ils sont surmontés, se confondent en été dans un poudroiement de verdure.


II VARIÉTÉ DANS LA NATURE DU NORD DE LA FRANCE

La variété dans la France du Nord n’est pas moindre, mais elle est autre. Elle est faite de nuances, plus que de contrastes ; elle se fond dans une tonalité plus douce.

Le relief se montre dans le Nord plus uniforme. Pour peu que l’œil se soit habitué aux formes du Midi, il y a comme une impression de regret, une lueur de tristesse a laquelle peu de voyageurs échappent, dès qu’ils ont franchi le Massif central, devant la continuité des lignes et l’alanguissement des horizons.


III INFLUENCE OCÉANIQUE DANS LA FRANCE DU NORD

Il résulte de cette uniformité de relief plus d’homogénéité dans le climat. C’est surtout de la France du Nord qu’on peut dire qu’elle est au vent par rapport à l’Atlantique. Les dépressions barométriques dont, en hiver, l’Atlantique-Nord est le foyer, obéissent dans leur mouvement de translation vers l’Est à des trajectoires qui rencontrent généralement l'Irlande et la Norvège ; mais l’ébranlement causé par ces tourbillons d’air humide et tiède se communique jusqu’à la Bretagne. C’est de là qu’à partir d’octobre, époque où ce régime a coutume de s’établir dans le Nord-Ouest de l’Europe, les pluies cycloniques ne tardent pas à gagner toute la France du Nord. De la Bretagne aux Vosges les mêmes perturbations, se propageant sans obstacles, amènent averses, grains ou pluies fines ; les rivières entrent en crues en même temps. Le vent Sud-Ouest charrie par-dessus les plateaux de Bourgogne et de Lorraine ses colonnes de nuées noires.