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lettres au Times il répondit aux attaques des critiques officiels en retournant contre eux leurs propres arguments. Tant était déjà grande son autorité esthétique, si persuasives ses affirmations, si éloquents ses plaidoyers que la plupart des adversaires se turent, ne pouvant ou n’osant répondre, et que le public commença d’admirer. La bataille était gagnée. En fait Ruskin sauva le mouvement préraphaélite en rendant aux artistes une confiance en eux-mêmes qui commençait à leur manquer.

En 1854 il dut reprendre la plume pour répondre à de nouvelles attaques et il eut alors l’idée de rendre régulières ces réflexions occasionnelles qu’il donnait sur les Salons. De 1855 à 1859 parurent ces Notes sur quelques uns des principaux tableaux exposés dans les salles de l’Académie Royale, que le public accueillait avec faveur, mais que les artistes, même les plus cotés, ne voyaient pas paraître sans une certaine inquiétude. Documents infiniment précieux qui nous permettent de suivre, en quelque sorte pas à pas, la transformation qui s’opérait à la fois dans la technique et l’inspiration des artistes anglais. La seule lecture de ces pages souvent agressives suffit d’ailleurs à nous donner une idée des polémiques extrêmement vives qu’elles soulevèrent.

Leur succès fut extraordinaire. Si grands étaient déjà la popularité et le prestige de Ruskin que ses jugements étaient attendus avec anxiété et acceptés comme des oracles. Il devint le véritable directeur de la conscience artistique de l’Angleterre, directeur impérieux dont les arrêts étaient acceptés sans réplique. M. Pichot raconte