Page:Vidalenc - William Morris.djvu/87

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trouvait dans le commerce, des rouges et des bleus d’un ton plus chaud.

Morris aimait en effet les couleurs franches et vives, criardes même disaient ses concurrents. Il raillait les nuances pâles, les gris très en honneur à l’époque, et qualifiait volontiers d’impuissance ce que les autres décoraient du beau nom de recherche ou de délicatesse.

Certes on peut penser que les nuances adoucies ne sont pas incompatibles avec la beauté, que le coloris de certaines de ses œuvres n’est pas toujours des plus heureux, mais Morris n’en prêchait pas moins une réaction salutaire indispensable, comparable à celle qu’amenèrent chez nous les peintres impressionnistes, et comme à tous les novateurs, il faut lui pardonner d’avoir quelquefois dépassé la mesure. Trop d’études académiques dans le demi-jour des ateliers avaient faussé le goût et la vue des artistes et du public. On ne savait plus voir, de même qu’on s’effarait devant un nu en plein air où le soleil dessinait des taches de feu tandis que le reste des chairs demeurait noyé dans une pénombre bleutée, de même on s’effarait devant une tenture aux couleurs très vives. Les décorateurs anglais se soumettaient sans protester au goût du public et abusaient des tons grisâtres, bruns, terreux. Morris bouscula énergiquement toutes ces conventions ; il voulait que le décorateur eût dans ses laines ou sur sa palette les tons les plus riches et les plus chauds ; il prétendait que si le public avait mauvais goût il fallait le corriger et non le flatter, que les artistes devaient faire la loi aux acheteurs et ne pas s’incliner devant tous les