Les vivres distribués aux forçats, sont, sauf le pain qui est assez passable, de très-mauvaise qualité ; le vin est détestable, et la viande n’est autre chose que de sales rogatons.
La manière dont ces vivres sont distribués ajoute encore, s’il est possible, à leur mauvaise qualité. Les baquets qui contiennent la soupe et la viande semblent n’avoir jamais été lavés. Un cuisinier distribue les portions, et compte ainsi les condamnés : « Un, deux, trois, quatre ; voleurs, tendez votre gamelle.» Les forçats obéissent, et le cuisinier jette dans leur gamelle environ une demi-livre de viande.
La distribution des vivres faite, le chef des argousins fait entendre un coup de sifflet ; le plus grand silence s’établit aussitôt. « Avez-vous eu du pain ? — Oui. — De la soupe ? — Oui. — De la viande ? — Oui. — Du vin ? — Oui. — Eh bien ! voleurs, dormez ou faites semblant, si vous ne voulez pas recevoir la visite du Juge-de-Paix.» (Le Juge-de-Paix est une longue et grosse trique de bois vert.).
Cet ordre une fois donné, le plus léger bruit excite la colère de MM. les argousins, qui se mettent à une table très-bien servie, qu’ils ne quittent que pour aller bâtonner le malheureux