Page:Vidocq - Mémoires - Tome 1.djvu/283

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des-logis donna cependant l’ordre de m’y transférer, et j’arrivai le surlendemain à Lorient, où l’on m’écroua à Pontaniau, maison de détention destinée aux marins, et située près du nouveau bagne, qu’on venait de peupler avec des forçats pris à Brest.

Interrogé le lendemain par le commissaire des classes, je déclarai de nouveau que j’étais Auguste Duval, et que j’avais quitté mon bord sans permission, pour venir voir mes parents. On me reconduisit alors dans la prison, où se trouvait, entre autres marins, un jeune homme de Lorient, accusé de voies de fait contre un lieutenant de vaisseau. Après avoir causé quelque temps avec moi, il me dit un matin : « Mon pays, si vous vouliez payer à déjeuner, je vous dirais quelque chose, qui ne vous ferait pas de peine. » Son air mystérieux, l’affectation avec laquelle il appuya sur le mot pays, m’inquiétèrent, et ne me permirent pas de reculer ; le déjeuner fut servi, et au dessert il me parla en ces termes :

« Vous fiez-vous à moi ? — Oui ! — Eh bien, je vais vous tirer d’affaire… Je ne sais pas qui vous êtes, mais à coup sûr vous n’êtes pas le fils Duval, car il est mort il y a deux ans à