Page:Vidocq - Mémoires - Tome 1.djvu/289

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jours du jus de tabac ; les médecins me donnèrent aussitôt mon billet. En arrivant dans la maison, je reçus en échange de mes habits une coiffe et une capote grise, et je fus mis avec les consignés.

Il entrait dans mes vues de rester quelque temps à l’hôpital, afin d’en connaître les issues ; mais l’indisposition que m’avait causée le jus de tabac ne devait pas durer au-delà de trois ou quatre jours ; il fallait trouver une recette pour improviser une autre maladie ; car, ne connaissant encore personne dans les salles, il m’était impossible de me procurer de nouveau du jus de tabac. À Bicêtre, j’avais été initié aux moyens de se faire venir ces plaies et ces ulcères au moyen desquels tant de mendiants excitent la pitié publique et prélèvent des aumônes qu’il est impossible de plus mal placer. De tous ces expédients, j’adoptai celui qui consistait à se faire enfler la tête comme un boisseau, d’abord parce que les médecins devraient infailliblement s’y méprendre, ensuite parce qu’il n’était nullement douloureux, et qu’on pouvait en faire disparaître les traces du jour au lendemain. Ma tête devint tout à coup d’une grosseur prodigieuse ; grande rumeur parmi les médecins de