Page:Vidocq - Mémoires - Tome 1.djvu/322

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mon domestique, qui me rapporta douze cents francs. Je remboursai d’abord le lieutenant ; puis, conduit par ma mauvaise étoile, je volai au Café de la Montagne, où Carré, après s’être longtemps fait prier pour me donner une revanche, fit passer de ma bourse dans la sienne les sept cents francs qui me restaient.

» Tout étourdi de ce dernier coup, j’errai quelque temps au hasard dans les rues de Lille, roulant dans ma tête mille projets funestes. C’est dans cette disposition que j’arrivai, sans m’en apercevoir, à la porte de Lemaire ; j’entrai machinalement : on allait se mettre à table. Joséphine, frappée de mon extrême pâleur, me questionna avec intérêt sur mes affaires et sur ma santé ; j’étais dans un de ces moments d’abattement où la conscience de sa faiblesse rend expansif l’homme le plus réservé. J’avouai toutes mes profusions, en ajoutant qu’avant deux mois, j’aurais à payer plus de quatre mille francs, dont je ne possédais pas le premier sou.

» À ces mots, Lemaire me regarde fixement, et, avec un regard que je n’oublierai de ma vie, fût-elle encore bien longue : – Capitaine, me dit-il, je ne vous laisserai pas dans