Page:Vidocq - Mémoires - Tome 1.djvu/33

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la troupe, étant venue fondre sur moi, ne m’eût jeté à la porte au milieu d’une grêle de coups de pieds et de coups de poings.

Depuis quelques jours, je m’étais rencontré dans le même cabaret avec un bateleur et sa femme, qui faisaient voir des marionnettes en plein vent. Nous avions fait connaissance, et j’étais certain de leur avoir inspiré de l’intérêt. Le mari me plaignait beaucoup d’être condamné, disait-il, au supplice des bêtes. Parfois, il me comparait plaisamment à Daniel dans la fosse aux lions. On voit qu’il était érudit et fait pour quelque chose de mieux que pour le drame de polichinel ; aussi, devait-il, plus tard, exploiter une direction dramatique en province : peut-être l’exploite-t-il encore ; je tairai son nom. Le futur directeur était très spirituel, madame ne s’en apercevait pas ; mais il était fort laid, et elle le voyait bien ; madame était en outre une de ces brunes piquantes, à longs cils, dont le cœur est inflammable au plus haut degré, dût-il ne s’y allumer qu’un feu de paille. J’étais jeune, madame l’était aussi ; elle n’avait pas seize ans, monsieur en avait trente-cinq. Dès que je me vis sans place, j’allai trouver les deux époux ; j’avais dans l’idée qu’ils me donneraient un conseil