Page:Vidocq - Mémoires - Tome 1.djvu/403

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père Mathieu, moyennant rétribution, nous avait autorisés à prendre pour notre trésorier le nommé Pantagarat, forçat qui vendait à boire et à manger dans la salle où nous étions. Malheureusement, il est des objets qu’on ne peut multiplier sans que l’équilibre nécessaire entre produire et consommer n’en soit détruit ; c’est une vérité d’économie politique : il vint un moment où la fabrication se ralentit faute de débouchés. Toulon était encombré de jouets de toutes façons : il fallut nous croiser les bras. Ne sachant plus que faire, je prétextai des douleurs de jambes afin d’entrer à l’hôpital. Le médecin à qui je fus recommandé par le père Mathieu, dont j’étais véritablement le protégé, crut que j’étais hors d’état de pouvoir marcher. Quand on projette de s’évader, il est toujours bon de donner de soi une telle opinion. Le Dr Ferrant ne soupçonna pas un seul instant que j’eusse l’intention de le tromper ; c’était un de ces disciples d’Esculape qui, comme la plupart des Hippocrates de l’école de Montpellier, d’où il était sorti, imaginent que la brusquerie est un des attributs de leur profession ; mais il ne laissait pas que d’être humain, il avait surtout pour moi beaucoup de bonté.

Le chirurgien en chef