Page:Vidocq - Mémoires - Tome 1.djvu/53

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plus monacales que militaires, s’appuyait nonchalamment sur un sabre de cavalerie dont l’énorme garde représentait un bonnet de liberté ; une rangée de pistolets garnissait sa ceinture, et son chapeau, relevé à l’espagnole, était surmonté d’un panache tricolore : je reconnus Joseph Lebon. Dans ce moment, cette figure ignoble s’anima d’un sourire affreux ; il cessa de battre la mesure avec son pied gauche, les fanfares s’interrompirent : il fit un signe, et le vieillard fut placé sous le couteau. Une espèce de greffier demi-ivre parut alors à côté du vengeur du peuple, et lut d’une voix rauque, un bulletin de l’armée de Rhin-et-Moselle. À chaque paragraphe, l’orchestre reprenait un accord, et, la lecture terminée, la tête du malheureux tomba au cri de vive la République ! répété par quelques-uns des acolytes du féroce Lebon. Je ne saurais rendre l’impression que fit sur moi cette scène horrible ; j’arrivai chez mon père, presque aussi défait que celui dont j’avais vu si cruellement prolonger l’agonie : là, je sus que c’était un M. de Mongon, ancien commandant de la citadelle, condamné comme aristocrate. Peu de jours auparavant, on avait exécuté sur la même place M. du Vieux-Pont, dont le crime était de posséder un perroquet dans le jargon duquel on avait cru reconnaître le cri de vive le roi. Le nouveau Vert-Vert avait failli partager le sort de son