Page:Vidocq - Mémoires - Tome 1.djvu/57

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leur parvenaient-ils que retournés en tous sens par Beaupré, qui poussait la précaution jusqu’à plonger ses mains horriblement sales dans le potage, afin de s’assurer s’il ne s’y trouvait pas quelque arme ou quelque clé. Murmurait-on, il répondait à celui qui se plaignait : « Te voilà bien difficile, pour le temps que tu as à vivre… Qui sait si tu n’es pas pour la fournée de demain ? Attends donc ! comment te nommes-tu ? – Un tel. – Ma foi, oui, c’est pour demain !  » Et les prédictions de Beaupré manquaient d’autant moins à se réaliser, que lui-même désignait les individus à Joseph Lebon, qui, après son dîner, le consultait en lui disant : «Qui laverons-nous demain ?  »

Parmi les gentilshommes enfermés avec nous se trouvait le comte de Béthune. Un matin, on vint le chercher pour le conduire au tribunal. Avant de l’amener dans le préau, Beaupré lui dit brusquement : « Citoyen Béthune, puisque tu vas là-bas, ce que tu laisses ici sera pour moi, n’est-ce pas ? – Volontiers, Monsieur Beaupré », répondit avec tranquillité ce vieillard. « Il n’y a plus de monsieur », reprit en ricanant le misérable geôlier ; « Nous sommes tous citoyens » ; et de la porte, il lui criait encore : « Adieu, citoyen Béthune ! ». M. de Béthune fut cependant acquitté. On le ramena à