Page:Vidocq - Mémoires - Tome 1.djvu/60

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le terroriste Chevalier, qui, par amitié pour mon rival, m’aurait certainement fait un mauvais parti si sa sœur, sur les instances de ma mère, n’eût obtenu de lui qu’il sollicitât mon élargissement.

Sorti de prison, je fus conduit en grande pompe à la société patriotique, où l’on me fit jurer fidélité à la république, haine aux tyrans. Je jurai tout ce qu’on voulut : de quels sacrifices n’est-on pas capable pour conserver sa liberté !

Ces formalités remplies, je fus replacé au dépôt, où mes camarades témoignèrent une grande joie de me revoir. D’après ce qui s’était passé, c’eût été manquer à la reconnaissance, de ne pas regarder Chevalier comme mon libérateur ; j’allai le remercier, et j’exprimai à sa sœur combien j’étais touché de l’intérêt qu’elle avait bien voulu prendre à un pauvre prisonnier. Cette femme, qui était la plus passionnée des brunes, mais dont les grands yeux noirs ne compensaient pas la laideur, crut que j’étais amoureux parce que j’étais poli ; elle prit au pied de la lettre quelques compliments que je lui fis, et dès la première entrevue elle se méprit sur mes sentiments, au point de jeter sur moi son dévolu. Il fut question de nous unir ; on sonda à cet égard mes parents, qui répondirent qu’à dix-huit ans on était bien jeune pour le mariage, et l’affaire traîna en longueur. Sur ces entrefaites, on organisa à