Page:Vidocq - Mémoires - Tome 1.djvu/89

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morceaux avec assez de goût pour recueillir tous les suffrages, tandis que j’aurais voulu le voir à tous les diables.

Cette éternelle soirée finit pourtant, et chacun se retira, moi roulant dans ma tête des projets de vengeance contre le rival qui allait m’enlever, je ne dirai pas l’amour, mais les soins obligeants de la baronne. Tout préoccupé de cette idée, je me rendis à mon lever chez le général, qui fut assez surpris de me voir de si grand matin. « Sais-tu, me dit-il, sans me laisser le temps d’entamer la conversation, sais-tu, mon ami, que la baronne est… — Qui vous parle de la baronne ? interrompis-je brusquement, ce n’est pas de ce qu’elle est ou de ce qu’elle n’est pas, qu’il s’agit ici. — Tant pis, reprit-il, si tu ne me parles pas d’elle, je n’ai rien à entendre. » Et, continuant ainsi quelque temps à m’intriguer, il finit par me dire que son entretien avec la baronne n’avait roulé que sur moi seul, et qu’il avait tellement avancé mes affaires, qu’il la croyait toute disposée à… à m’épouser.

Je crus d’abord que la tête avait tourné à mon pauvre camarade. Une des femmes titrées les plus riches des Provinces-Unies, épouser un aventurier dont elle ne connaissait ni la fa-