Page:Vidocq - Mémoires - Tome 2.djvu/142

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ne pas se méprendre sur les véritables sentiments de ces chastes personnes, dont l’amabilité constante avait toujours l’air d’une préférence ? Le matador d’aujourd’hui était fêté, choyé ; on lui prodiguait mille petits soins, on lui permettait certaines privautés, un baiser, par exemple, pris à la dérobée ; on l’encourageait par des œillades, on lui donnait des conseils d’économie, en poussant adroitement à la consommation ; on réglait l’emploi de son argent, et si les fonds baissaient, ce qui avait lieu ordinairement à son insu, ce n’était que par l’offre généreuse d’un prêt qu’il apprenait la pénurie de ses finances ; jamais on ne l’éconduisait : sans témoigner ni indifférence ni tiédeur, on attendait que la nécessité et l’amour le fissent voler à de nouveaux périls. Mais à peine le navire qui emportait l’amant avait-il mis à la voile, et voguait-il vers les chances heureuses sur lesquelles étaient hypothéqués un hymen éventuel et une somme légère que l’on avait pris l’engagement de rendre au centuple, que déjà il était remplacé par quelque autre fortuné mortel ; si bien que dans la maison de Mme Henri, les adorateurs faisaient la navette, et que ces deux demoiselles étaient comme deux citadelles qui, toujours