Page:Vidocq - Mémoires - Tome 2.djvu/144

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et la petite bière : cet état d’une inaction qui me pesait, cessa enfin, Paulet voulut reprendre le cours de ses exploits habituels : nous nous mîmes en chasse ; mais les nuits n’étaient plus assez obscures, et les jours étaient devenus trop longs ; toutes nos captures se réduisirent à quelques misérables bateaux de charbon, et à un sloop de peu de valeur, sur lequel nous trouvâmes je ne sais plus quel lord, qui, sans l’espoir de recouvrer l’appétit, avait entrepris avec son cuisinier une promenade maritime. On l’envoya dépenser ses revenus et manger des truites à Verdun.

La morte-saison approchait, et nous n’avions presque pas fait de butin. Le capitaine était taciturne et triste comme un bonnet de nuit ; Fleuriot se désespérait, il jurait, il tempêtait du matin au soir ; du soir au matin il était dans un véritable accès de rage ; tous les hommes de l’équipage, suivant une expression fort usitée parmi les gens du peuple, se mangeaient les sangs… Je crois qu’avec des dispositions semblables, nous aurions attaqué un vaisseau à trois ponts. Il était minuit ; sortis d’une petite anse auprès de Dunkerque, nous nous dirigions vers les côtes d’Angleterre ; tout à coup la lune, apparaissant à travers une