Page:Vidocq - Mémoires - Tome 2.djvu/156

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et moi, nous leur prêtâmes des chemises et des vêtements, et dès qu’ils se furent un peu remis, ils me racontèrent l’accident qui nous procurait l’honneur de leur visite. Partis de La Havane sur un trois-mâts, et à la veille de terminer une heureuse traversée, ils étaient venus se briser contre le môle de pierre qui nous renfermait, et n’avaient échappé à la mort qu’en se précipitant des hunes sur la batterie. Dix-neuf de leurs compagnons de voyage, parmi lesquels le capitaine, avaient été engloutis dans les flots.

La mer nous tint encore bloqués huit jours, sans que l’on osât envoyer une chaloupe pour nous relever. Au bout de ce temps, je fus ramené à terre avec mes naufragés, que je conduisis moi-même chez le chef militaire de la marine qui me félicita comme si je les eusse faits prisonniers. Si c’était là une brillante capture, c’était bien le cas de dire qu’elle ne m’avait coûté qu’une peur. Quoi qu’il en soit, dans la compagnie, elle fit concevoir la plus haute opinion de moi.

Je continuai à remplir mes devoirs avec une exactitude exemplaire ; trois mois s’écoulèrent, et je ne méritais que des éloges ; je me proposais d’en mériter toujours ; mais une carrière aventureuse ne cesse pas de l’être tout d’un