Page:Vidocq - Mémoires - Tome 2.djvu/188

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de l’armée de la Lune. Rarement la prison d’une petite ville présenta un plus curieux assemblage de délinquants : le prévôt, c’est-à-dire l’ancien de la salle, nommé Lelièvre, était un pauvre diable de soldat qui, condamné à mort depuis trois ans, avait sans cesse en perspective la possibilité de l’expiration du sursis en vertu duquel il vivait encore. L’empereur, à la clémence de qui il avait été recommandé, lui avait fait grâce ; mais comme ce pardon n’avait point été constaté, et que l’avis officiel indispensable pour qu’il reçût son effet n’avait pas été transmis au grand juge, Lelièvre continuait à être retenu prisonnier ; tout ce que l’on avait osé en faveur de ce malheureux, c’était de suspendre l’exécution jusqu’au moment où se présenterait une occasion d’appeler une seconde fois sur lui l’attention de l’empereur. Dans cet état où son sort était fort incertain, Lelièvre flottait entre l’espoir de la liberté et la crainte de la mort : il s’endormait avec l’un et s’éveillait avec l’autre. Tous les soirs il se croyait à la veille de sortir, et tous les matins il s’attendait à être fusillé ; tantôt gai jusqu’à la folie, tantôt sombre et rêveur, il n’avait jamais un instant de calme parfait. Faisait-il sa partie à la drogue ou au mariage,