Page:Vidocq - Mémoires - Tome 2.djvu/33

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m’installasse chez elle ; et bientôt nous courûmes ensemble les foires et les marchés. Il était évident que je ne pouvais la seconder qu’en me faisant comprendre des acheteurs. Je me forgeai un baragouin semi-tudesque, semi-français, que l’on entendait à merveille, et qui me devint si familier, qu’insensiblement j’oubliai presque que je savais une autre langue. Du reste, l’illusion était si complète, qu’après quatre mois de cohabitation, la veuve ne soupçonnait pas le moins du monde que le soi-disant Kaiserlik était un de ses amis d’enfance. Cependant elle me traitait si bien, qu’il me devint impossible de la tromper plus longtemps : un jour je me risquai à lui dire enfin qui j’étais, et jamais femme, je crois, ne fut plus étonnée. Mais, loin de me nuire dans son esprit, la confidence ne fit en quelque sorte que rendre notre liaison plus intime, tant les femmes sont éprises parfois de ce qui s’offre à elles sous les apparences du mystère ou de l’aventureux ! et puis n’éprouvent-elles pas toujours du charme à connaître un mauvais sujet ? Qui, mieux que moi, a pu se convaincre que souvent elles sont la providence des forçats évadés et des condamnés fugitifs ?

Onze mois s’écoulèrent sans que rien vînt