Page:Vidocq - Mémoires - Tome 2.djvu/93

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gredin, car il n’y a que les gredins qui se soûlent, n’est-ce pas, mon ami ?

Vingt fois je fus tenté de l’abandonner, mais Dufailli à jeun pouvait être ma providence ; je me rappelai sa ceinture pleine, et pour le perdre de vue, je comprenais trop bien qu’il avait d’autres ressources que sa paie de sergent. Parvenu en face de l’église, sur la place d’Alton, il lui prit la fantaisie de faire cirer ses souliers. – À la cire française, dit-il en posant le pied sur la sellette : c’est de l’œuf, entends-tu ? – Suffit, mon officier, répondit l’artiste. À ce moment, Dufailli perdit l’équilibre ; je crus qu’il allait tomber, et m’approchai pour le soutenir. – Eh ! pays, n’as-tu pas peur, parce qu’il y a du roulis ? j’ai le pied marin. En attendant, le pinceau, remué avec agilité, donnait un nouveau lustre à sa chaussure. Quand elle fut complètement barbouillée de noir : – Et le coup de fion, dit Dufailli, c’est-il pour demain ? En même temps il offrait un sou pour salaire. – Vous ne me faites pas riche, mon sergent. – Je crois qu’il raisonne ; prends garde que je te f… ma botte… Dufailli fait le geste ; mais, dans ce mouvement, son chapeau ébranlé tombe à terre ; chassé par le vent, il roule sur le pavé ;