Page:Vidocq - Mémoires - Tome 3.djvu/124

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Cette expérience fut pour moi une leçon dont je n’ai jamais perdu le souvenir : elle me démontra qu’avec des gens de cette trempe, on est toujours fort quand on déploie de la fermeté : pour les tenir éternellement en respect, il suffit de leur en avoir imposé une seule fois. À partir de cette époque, je ne laissai plus passer un départ de la chaîne sans aller voir ferrer les condamnés ; et, sauf quelques exceptions, il ne m’arriva plus d’être insulté. Les condamnés s’étaient accoutumés à me voir, si je ne fusse pas venu, il semblait qu’il leur eût manqué quelque chose ; et en effet presque tous avaient des commissions à me donner. Au moment où ils tombaient sous l’empire de la mort civile, j’étais, pour ainsi dire, leur exécuteur testamentaire. Chez le plus petit nombre, les ressentiments n’étaient pas effacés, mais rancune de voleur ne dure pas. Pendant dix-huit ans que j’ai fait la guerre aux grinches, petits ou grands, j’ai été souvent menacé ; bien des forçats renommés pour leur intrépidité, ont fait le serment de m’assassiner aussitôt qu’ils seraient libres, tous ont été parjures et tous le seront. Veut-on savoir pourquoi ? C’est que la première, la seule affaire pour un voleur, c’est de voler ; celle-là l’occupe