renversé toutes les chaises d’une église pour venir me saluer d’un mielleux Dieu vous bénisse ! lorsque, par hasard, il m’avait entendu éternuer, j’étais bien sûr qu’il y avait anguille sous roche. Personne moins que moi ne se méprenait sur ces petites attentions d’un homme qui se prosterne quand à peine il est besoin de s’incliner. Mais, comme j’avais la conscience que je faisais mon devoir, il m’importait peu que ces démonstrations d’une politesse outrée fussent vraies ou fausses. Il ne se passait guère de jours que mes mouches ne vinssent m’avertir que Lacour était l’âme de certains conciliabules où se tenaient toute espèce de propos sur mon compte ; il projetait, disait-on, de me faire tomber ; et il s’était formé un parti qui conspirait avec lui : j’étais le tyran qu’il fallait abattre. D’abord les conjurés se contentèrent de clabauder ; et comme ils avaient sans cesse ma chute en perspective, pour se faire mutuellement plaisir ils se la prédisaient à l’envi, et chacun d’eux se partageait d’avance l’héritage d’Alexandre. J’ignore si cet héritage est échu au plus digne ; mais ce que je sais bien, c’est que mon successeur ne se fit pas faute de menées plus ou moins adroites pour réussir à se le faire adjuger avant mon abdication.
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