Page:Vie, travaux et doctrine scientifique d'Étienne Geoffroy Saint-Hilaire.djvu/271

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
261
ANATOMIE PHILOSOPHIQUE.

hommes les plus avancés, puis les savants d’une portée ordinaire, puis les retardataires eux-mêmes, viennent au novateur, adoptent ses idées, entrent dans ses voies. Mais, au sein de son triomphe, et par son triomphe même, un autre danger le menace. Quand tous marchent avec lui, quand tous sont pleins de l’esprit dont il a animé la science, il peut arriver, après quelque temps, que cette direction, cet esprit, par cela même qu’ils sont devenus la direction, l’esprit de tous, et qu’on n’en comprend plus d’autres, semblent avoir été toujours ceux de la science. C’est une illusion, c’est un oubli dans lequel il est difficile de ne pas tomber. En cueillant les fruits d’un arbre, songeons-nous aux efforts de celui qui autrefois, quand nous n’étions pas encore, laboura péniblement le sol pour y déposer une précieuse semence ?

La Philosophie anatomique date d’un quart de siècle seulement : quelque chose de semblable n’arrive-t-il pas déjà pour elle ? Il y a, dans ce livre, un grand nombre de faits nouveaux, une théorie nouvelle, et un esprit nouveau. Ces faits, il n’est point de zootomiste qui ne les cite, et ne rapporte à Geoffroy Saint-Hilaire le mérite de leur découverte ; cette théorie, tous, aussi bien ceux qui la combattent encore, que ceux qui l’adoptent et l’admirent, en savent l’origine, et le nom de son auteur y reste attaché ; mais tous reconnaissent-ils