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LAZARILLE

sant le surplus, qui ne me parut pas pour être dit en chambre.

Après cela, il resta un moment silencieux, ce que je tins pour un fâcheux présage, attendu qu’il était déjà près de deux heures et que je ne lui voyais pas plus d’envie de manger qu’à un mort. Puis je considérais ceci : qu’il tenait sa porte fermée à clef, qu’on n’entendait en haut ni en bas nulle personne vivante marcher par la maison, et que tout ce que j’y avais vu étaient des murs, sans chaise, dressoir, banc ni table, sans même un coffre comme celui d’antan. Cette maison enfin paraissait enchantée.

Là-dessus, il me demanda : « Garçon, as-tu mangé ? » — « Non, Monsieur », répondis-je, « car huit heures n’avaient pas encore sonné lorsque je rencontrai Votre Grâce. » — « Eh bien, moi, pour matin qu’il fût, j’avais mangé, et je dois te dire que quand je mange ainsi quelque chose, je reste jusqu’au soir sans rien prendre. Ainsi, passe-toi comme tu pourras, nous souperons plus tard. »

Croyez bien, Monsieur, que lorsque j’ouïs cela, il s’en fallut de peu que je ne tombasse de