Page:Vielé-Griffin - Album de vers, AC, vol. 70.djvu/4

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

Et, là-bas, sur le Rhône, un chant de funérailles,
Immense et triste chant que pleure un peuple en deuil
Et les roses de sang sur le double cercueil ;
Et Durandal avec la gloire des batailles.



LE FRUIT

RÊVE



Loin de la grève ardente et de l’aridité
Où le fleuve se perd dans le sable des dunes
Nous remontions la rive ; un éternel été
Brûle ces lieux voués aux célestes rancunes
Où dorment les débris d’une antique cité.

Tout un jour, exaltés en rêves de conquêtes,
Forts du désir impérieux de l’Inconnu,
Nous marchions, et, parfois, un mirage de crêtes
Dentelait l’horizon silencieux et nu :
L’on entendait vibrer la Lyre des poètes.

Mais l’heure choyait lente des cieux ; l’Infini
Montait de l’horizon qui rétrograde, en nappe
Inaltérée, insultante d’azur uni :
Malgré le désavœu railleur de chaque étape
Nous marchions vers le but fébrile du banni ;

Dans l’éblouissement torride de la plaine
Que hérissent des monolithes, jusqu’au soir.
Nous marchions, en rêvant la bienfaisante haleine
D’un bois et l’ombre des palmiers ; mais nul espoir
Ne s’en venait, là-haut, comme un flocon de laine.

La nuit vint ; puis, dans l’aube, alors que nous allions
Par la rive stérile et morne, et par la route.
Apparut, vers le Nord, ainsi que des sillons,
Une ondulation de collines ; et toute
La rive était empreinte au sceau de grands lions.

Nous entrions alors sous des voûtes hautaines
Écartant les buissons de ronces emmêlés ;
Entre des troncs noueux de noyers et de chênes.
Colossaux et plus vieux que les rocs éboulés.
Des lianes font peser la lourdeur de leurs chaînes.