Page:Viennet - Promenade philosophique au cimetière du père la Chaise.djvu/132

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autre pensée me poursuivoit encore : je rapprochois cette bataille de Mont-Saint-Jean, qui avoit incriminé tant de défections, de cette bataille de Valmy qui en avoit justifié tant d’autres ; et je contemplois avec le sourire du mépris et de la pitié cette instabilité des jugements humains, cette bizarrerie de la fortune, qui fait à son gré les crimes et les vertus politiques ; et je demandois compte à ce peuple de Valmy du désastre de Mont-Saint-Jean ; et le peuple me répondoit qu’il avoit disséminé son enthousiasme et son énergie depuis les colonnes d’Alcide jusqu’aux rochers de Charybde, depuis les vallons glacés de la Moscovie, jusqu’aux déserts brûlants de l’Égypte ; qu’il avoit prodigué son sang et ses trésors à tous les gouvernements qui s’étoient emparés de ses destinées ; que, pendant vingt-cinq ans d’incertitude et de patience, il leur avoit demandé la liberté, qu’il n’en avoit reçu que des promesses, des troubles, des fers, et de la gloire ; qu’il avoit enfin séparé sa cause de celle de tant de maîtres divers, et qu’abandonnant à la fortune tous les partis qui l’avoient trompé, il avoit cher-