Page:Viennet - Promenade philosophique au cimetière du père la Chaise.djvu/222

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Mon cher ami, tu ne t’y connois pas.
Tu n’as que du génie et ne t’en doutes guère.
Tu juges comme le vulgaire,
Et tu me fais rougir pour mon siècle et pour moi.
Je croyois influer sur le goût du parterre,
Le parterre m’a fait la loi ;
Sans le secours de Sganarelle,
Le Misanthrope étoit perdu ;
Et pour y ramener le public infidèle,
Au niveau du public Molière est descendu.
— Nous ne valons pas mieux, m’écriai-je moi-même.
Le mauvais goût domine ; et les sots de nos jours
N’ont fait que changer de système.
Au public de mon temps il faut des calembourgs,
Des farces, des danseurs, des romans historiques,
Des vampires sanglants, des bourreaux, des combats,
Des mélodrames, du fracas,
Et des poètes romantiques.
On veut être étourdi par ses émotions.
Les vers simples et vrais sont des vers narcotiques.
On n’ira bientôt plus aux chefs-d’œuvre tragiques
Que pour les décorations.
De Racine et de toi, de l’auteur des Horaces,
Kotzebue et Potier triomphent tous les jours ;
Et Bobèche bientôt quittant les carrefours
Osera sur la scène étaler ses grimaces. »


J’aurois poussé plus loin ma boutade satiri-