Page:Viennet - Promenade philosophique au cimetière du père la Chaise.djvu/294

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jeté ce contraste, je ne sais quelle grandeur terrestre auroit pu me séduire. Je m’éloignois de cette tombe, à travers une sombre allée de tilleuls, désenchanté des plaisirs et des pompes de la vie, lorsqu’un cippe de marbre noir et le nom du poète Laujon vinrent me retirer de cette triste rêverie. Ce poëte avoit porté soixante ans le titre d’Anacréon françois : il l’avoit mérité parla gaieté de ses couplets, par les agréments de son caractère ; et sa tombe sembloit me dire :


Fuyez les grandeurs et la gloire,
Narguez les sots et les méchants,
Laissez aux rois, aux conquérants,
L’honneur de vivre dans l’histoire.
Aimez, riez, buvez, chantez ;
La nature vous y convie.
Dans le vin et les voluptés
Noyez les chagrins de la vie.
Les honneurs sont des vanités ;
L’ambition, une triste folie.
Au milieu de ses dignités,
Un grand se pavane et s’ennuie ;
Les plaisirs seuls sont des réalités.
Le dieu qui rit sur une tonne,
Et dont la tête se couronne