Page:Vignaud – La Question de l’Atlantide, paru dans le Journal de la Société des Américanistes, 1913.djvu/3

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

était le lieu d’origine des populations primitives de l’Amérique et qu’il créait, en tous cas, un moyen facile de communication entre l’Ancien et le Nouveau Monde. Des hypothèses de ce genre et d’autres ont été maintes fois avancées et on remplirait bien des pages avec la seule nomenclature de tout ce qui a été écrit sur l’emplacement de ce continent perdu. Ce n’est, toutefois, que de nos jours que la question a pu être traitée scientifiquement. Avant les grands progrès réalisés par la Géologie, avant la création de l’Océanographie, tout ce que l’on pouvait dire de l’Atlantide manquait de base, et les savants, doués de quelque esprit critique, en étaient réduits à voir un mythe dans le récit de Platon. Il semble qu’il n’en soit plus de même aujourd’hui et que l’opinion qui voit dans la légende de l’Atlantide le souvenir d’un fait historique s’appuie sur des raisons scientifiques.

Déjà, au commencement de ce siècle, Bory de Saint-Vincent, qui jugeait d’après des observations physiques faites en personne sur les lieux mêmes, s’était prononcé pour l’existence de l’île de Platon et avait cherché à en déterminer l’emplacement, mais, de son temps, les données scientifiques sur lesquelles il pouvait s’appuyer n’étaient pas suffisantes pour imposer la conviction et la plupart des savants qui traitèrent la question après lui, se montrèrent plutôt sceptiques.

Notre collègue, M. Verneau, qui a parlé plusieurs fois de l’Atlantide, est un de ceux qui se sont prononcés le plus catégoriquement contre l’existence de cette île continentale, du moins où on la place[1]. Pour lui, le récit de Platon n’est qu’une fable et les îles Canaries, pour ne parler que de celles-là, ne sont pas, comme on l’a dit, les débris d’un continent disparu, mais des îles volcaniques qui ont émergé à une date relativement récente. Pour preuve de ces assertions, M. Verneau avance, entre autres raisons, qu’il n’existe dans ces îles aucun reste fossile d’animaux et de plantes terrestres ; que ceux qu’on y a trouvés sont exclusivement marins et que l’existence à Madère de blocs erratiques d’origine septentrionale indique que la mer était libre quand ils y ont été transportés, à l’époque glaciaire, ce qui ne peut se concilier avec l’hypothèse d’une terre intercontinentale qui se serait effondrée depuis. Mais ces remarques de l’éminent professeur datent d’une quinzaine d’années et depuis lors, on a fait des observations qui ont autorisé plusieurs savants à exprimer une opinion contraire. Déjà en 1867, M. Lapparent avait admis la réalité du fond de la tradition recueillie par Platon et tout récemment, Kretschmer a concédé que des faits véritables ont pu donner à Platon l’idée de son Atlantide qui serait ainsi l’expression poétique de réalités scientifiques.

L’éminent paléontologue irlandais, Robert Francis Scharff, auteur d’un livre de premier ordre sur les origines de la vie en Amérique (Distribution and origin of life in America, Londres, 1911), l’explorateur Louis Gentil auquel on doit un excellent petit livre sur le Maroc physique[2], le géologue René

  1. Verneau (Dr. R.). À propos de l’Atlantide (Bulletin de la Société d’Anthropologie, avril 1898).
  2. Gentil (Louis). Le Maroc physique. Paris, Alcau, 1912, 1 vol. in-16.