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PORTRAITS JAUNES

saint homme qu’on nommait le père François[1], lequel étant venu d’un pays fort éloigné, pour apprendre aux Japonais le chemin du ciel, avait logé chez lui, l’avait baptisé et lui avait laissé ce chapelet et cette eau, comme un remède souverain contre toutes les maladies. Et j’ai vu peu de malades, dit encore ce vieillard, que je n’aie guéris en leur appliquant mon chapelet et en versant sur eux un peu d’eau bénite[2]. »

Mgr Petitjean racontait qu’il avait vu venir un jour à lui à Yokohama des hommes habitant des îles les plus reculées. S’adressant à lui :

« Croyez-vous, lui dirent-ils, en la Vierge qui a eu un Fils qui était Dieu ?

— Oui.

— Eh bien, nos pères y croyaient, nous aussi, et nous vous cherchions.

Mgr Midon nous a raconté à nous-même qu’il avait reçu plusieurs jeunes gens d’une province éloignée que lui envoyait un officier païen de ses amis ; les jeunes gens lui apportèrent entre autres objets un portrait de pape, coiffé de la grande calotte rouge bordée d’hermine, appelée clémentine et dont se coiffaient jadis fréquemment les souverains pontifes.

Ô Japon, pays généreux et bon, pays aussi des martyrs, île des saints, terre des miracles, je ne puis pas penser que Dieu n’ait des desseins particuliers sur toi ! Tes enfants, tués dans la pourpre sanglante, prient pour leur patrie, et ceux qui sont morts en croix, au sommet de la colline de Nagasaki et ont prêché au peuple, les bras étendus sur le bois du supplice, ceux qui chantaient le cantique de Zacharie, les enfants qui criaient : Laudate, pueri, Dominum, t’attirent invinciblement, t’attirent comme le Christ crucifié a attiré à lui le monde[3] !

  1. Saint François Xavier.
  2. Rohrbacher, Histoire universelle de l’Église, d’après Charlevoix ; Histoire du Japon.
  3. C’est pourtant sur la même colline que M. Loti a osé placer les épisodes principaux de son livre Madame Chrysanthème. Il n’a pas senti la grandeur de ces lieux ; il n’y a rencontré que de petites gens.